Métaplume Installation

Une explosion d’atomes. Les particules se frottent, les plumes et les écailles se détachent. Là, localisé, ondule un phénomène aussi proche de l’oiseau ( du dragon ?) que du champ d’expérimentation scientifique.

À propos de Métaplume

Après Fukushima, des chroniqueurs ont raconté le suicide de cultivateurs de thé anéantis par la contamination de leurs terres ancestrales. De génération en génération ces hommes cultivaient un thé rare et pur. La mort choisie fut leur unique réplique. La gravité, la sobriété, la discrétion et l’élégance de leur geste s’opposent en tous points a ce qui a pu être dit sur ce cauchemar. Et disqualifie à jamais la désinvolture nucléaire.
Le thé pur et vert contre la raison atomique. Aucune marge de négociation possible.

L’éternelle virginité du désastre consiste en cela qu’au cœur même du pire le plus radicalement simple et pur continue de résister. Au prix, parfois, comme ici de sa propre disparition.
« Métaplume » est une installation, presque intégralement blanche, créée en été fin juin 2011, soit 3 mois après la catastrophe.
Autant que je me souvienne Céline Guillemain n’a jamais évoqué directement l’événement. Suivant son protocole habituel elle est arrivée, naturellement, avec un ensemble d’ustensiles récupérés en différents lieux auxquels elle en a ajouté d’autres trouvés sur place.
Puis elle a investit une aire herbeuse parsemée de plantes vivaces communément désignées par le terme de « jachères fleuries ».

Jour après jour une chose immense, aérienne, énigmatique et légère est apparue.
Une forme évoquant à la fois un insecte géant, une mariée étendue sur le sol, un filet de sauvetage pour naufragés, un chalut perdu en haute mer, un calamar gigantesque échoué.
Avec en son sein un compte a rebours silencieux composé de grands chiffres de 9 à 0 comme pour signaler une échéance prochaine encore, provisoirement, figée dans le sol. _ Et sur ses flancs des harpons porteurs du mot « ATOM » comme s’il s’agissait d’une créature mythique assiégée par d’invisibles chasseurs.
Herbes et fleurs ont continué de croître insensibles aux raisons de l’art. Sauf que, hasard ou nécessité, « métaplume » s’est nourrie de cette manne végétale, autant que la « jachère fleurie » s’est accommodée de la « chose ».
« Métaplume » est à la fois une griffe qui s’accroche au sol (à la manière des insectes parasites buveurs de sang et porteurs de germes hostiles), l’empreinte de la voûte céleste étoilée encombrée de déchets, décalcomaniée au sol, une machine à penser.
Une machine à penser. Une déflagration poétique.
Une tasse de thé vert dans un corridor radioactif.

De deux choses l’une.
Soit nous attendons des œuvres d’art qu’elles décorent (ou embellissent) nos jardins (nos rues, nos façades, nos paysages culturels, nos galeries d’art à la mode du moment).
Soit nous cherchons, dans le brouillard halluciné de l’actualité à ouvrir de nouvelles conversations avec nos voisins, nos parents, nos enfants, nos amours.
De nouvelles conversations pour tenter d’accéder encore un moment à la beauté de soi dans l’autre et de l’autre en soi. Pour retarder le bégaiement.
Avec « Métaplume », l’air de rien, presque par distraction, Céline Guillemain ouvre cette conversation. Elle manifeste par là, sans slogan et presque sans intention explicite son engagement dans l’art et sa confiance en l’humanité.
Céline Guillemain est un réacteur nucléaire en pleine activité au cœur d’une plantation de thé vert. Mais ici le seul vraie pari est de surmonter l’effroi et la complexité du monde par la radicale légèreté de l’être aimant, vivant, disponible.

Pierre Bongiovanni

Qui ?

Céline Guillemain

Plasticienne
Céline Guillemain vit et travaille en Lorraine. Diplômée des Beaux-Arts (2010), elle partage son temps entre recherche de sites entrés en mutation ( chantiers, ruines, friches…), expositions (Aubepierre-sur-aube, Metz, Nîmes, Berlin) et prélèvement de matériaux hétéroclites.
Le (...)

Quand ?

Où ?

Maison Laurentine

N 47° 54.750 - E 4° 56.201
15, rue du Moulin
52210 Aubepierre sur Aube
France

Autres oeuvres